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Depuis quelques années un vent de révolte souffle dans la sphère vidéo ludique. Certains joueurs s'élèvent contre les grands studios les accusant de recycler à l'infinie des vieilles recettes et d'augmenter le prix des jeux dans une recherche de profits faciles et prévisibles. Paradoxalement la production de ces jeux AAA (équivalents des blockbusters cinématographiques) coute de plus en plus cher en mobilisant jusqu'à des milliers de développeurs. Bref les productions phares coutent un bras sans innover le moins du monde pour éviter toutes prises de risques afin de limiter les catastrophes financières potentielles. Le problème c’est que le jeu vidéo n’est pas une production industriel classique. La recette pour faire un jeu populaire est tout sauf évidente, en cela la problématique est similaire à celle du cinéma. Il y a bien sur une partie très technique dans la fabrication d’un jeu mais également un part que l’on qualifiera de « créative » non négligeable. La première peut dans une certaine mesure être surmonté par une force brut financière la deuxième est par contre bien plus élusive. C’est sans doute ce qui explique la réticence des grands studios à trop modifier ou faire évoluer des recettes qui ont fait leurs preuves ou « pire » encore proposer un concept radicalement nouveau. En se limitant à des évolution douce calibrer pour plaire au plus grand nombre (quand on ne se limite pas à du pure copié collé) on est à peu près certain d’au moins limiter les dégâts et même souvent récolter de généreux retours financiers. Car il faut bien le constater également les joueurs ne rejettent pas vraiment ce modèle de production. En effets les suites des grandes franchises ont remarquablement passé l’épreuve du temps. Pour prendre qu’un seul exemple la série des Assassin’s creed est resté extraordinairement populaire au fil des années malgré une évolution globalement assez limitée du concept. On pourrait donc supposer que les joueurs ne remettent pas en cause le principe même de suite mais qu’il se produise un sort de fatigue liée à la répétition. On a beau adoré le caviar ou le foie gras si on en mange tous les jours cela peut finir par dégouter…
Pourquoi ce long paragraphe d’introduction me direz-vous ? Et bien parce que Sandfall interactive vient joyeuse de bousculer tous ces présupposés. Sandfall démontre que, avec des moyens limités (des estimations parle de moins de 30 millions d’euros), on peut présenter un produit de haut niveau technique ET créatif susceptible de toucher un large public. Quels sont donc les secrets de cette réussite ?
Une vision claire
Nombre de AAA de nos jours sont victimes d’accidents de parcours, de changements de direction conceptuelle, de reboot, de rivalités intestines…traduisant une incertitude délétère dans les objectifs poursuivies. Le résultat ce sont des jeux manquants de caractères ou au contraire presque caricaturaux (Awoved et DagonAge the Veil Guard). Sandfall a réussi à éviter ce piège en restant fidèles à ses objectifs initiaux fondamentaux évitant ainsi un immense gâchis de temps et de ressources.
La liberté créative
On touche là aux limites humaines de la création. Il est très difficile à un studio de 500,1000,2000 personnes de laisser la place à une grande liberté créative. La structure même destinée à faire en sorte que ces centaines de personnes puissent travailler ensemble est un carcan étouffant les individus. Là encore Sandfall disposait d’un atout important du fait de se petite taille (équipe centrale d’environ 30 personnes). Il en résulte une foule d’avantages dont la principale est l’autonomie accrue des personnes qui se sentent véritablement investi dans leur travail qui devient alors plus une expérience personnelle qu’un simple job. Le deuxième avantage peut au premier abord apparaitre comme un handicap. Qui dit qui petit équipe dit moyens limités. Alors qu’un studio au moyens conséquent peut se permettre de dépenser sans compter pour atteindre ses objectifs, un petit studio doit faire des choix et trouver des astuces pour dépasser leurs propres limitations, bref il doit faire preuve d’intelligence et de finesse.
Talents et passion plutôt que CV
Quand on se penche sur les membres du studio on constate avec stupeur (et émerveillement pour ma part) qu’une très large majorité n’aurait jamais eu aucune chance d’être embauché par une grande structure en tout cas certainement pas pour travailler avec un tel niveau de responsabilité. Il faut bien en être conscient le système de recrutement aujourd’hui dans la majorité des entreprises n’a qu’un SEUL but : éviter le risque en n’embauchant surtout pas des profils originaux. Il faut rentrer dans le moule pour rassurer la structure. Aucun des employés de Sandfall n’ont de développement de grands jeux dans leur CV, certains ne sont même pas issue du monde du JV, édifiant non ? La morale de l’histoire c’est que notre société gâche le talent des individus de manière industriel et particulièrement en France ou le cursus scolaire est devenu un totem au proportion ridicule. Il en résulte une double tragédie. Des individus insatisfaits, démotivés, souvent médiocre dans leurs tâches d’une part et d’autre part une massive stagnations de la création de richesses dont nous ressentons les effets d’année en année.
Innovation à tous les étages
Innover oui mais pas dans le vent. Comme souvent la véritable innovation consiste à raffiner des process anciens. Sandall a pioché dans l’histoire vidéoludique des JRPG pour en tirer la substantifiques moelle en l’intégrant dans un écrin artistique à la fois modern et intemporel. Les combats au tour par tour son dynamiser par notion d’esquives et de parades avec toutes l’explosivité graphiques que le hardware moderne permet. L’univers est présenté de manière épuré pour faciliter l’immersion. L’histoire est à l’unisson de la maestria visuelle en déroulant un rythme fluide et naturel ponctués de rebondissements et de révélations incessants. Il en résultat une cohérence du média rarement atteinte et qui emporte le joueur dans un tourbillon d’émotions souvent contradictoires. Bref nous avons là affaire à l’antithèse du triple A répétitif lourdingue bourré jusqu’à la gueule de continue redondant sans intérêt.
La musique comme écrin
Tout cinéphile le sait, il n’existe pas de grands films sans grande bande son. Cela s’applique évidement aux JV. Guillaume broche a donc très tôt décidé d’intégrer Lorien Testard dans le processus créatif afin que celui-ci alimente en retour le reste de l’équipe. Le résultat est glorieux ! à l’image d’un Conan le barbare la musique propulse le jeu comme le vent un voilier, un délicieux tourment qui manipule à chaque instant vos émotions. Mention toute particulière aux vocalises d’Alice Duport Percier qui avec son expérience de la musique baroque insuffle une infinité d’émotions dans chaque morceau ou elle figure (et ils sont nombreux). Les bruitages ne sont pas en reste et participent magistralement à rendre vivant l’univers et à dynamiser les combats. Enfin le doublage des personnages assuré par des pointures (Jennfer English, ben Starr…) se positionne d’emblé parmi les tous meilleur et participe grandement à l’attachement que l’on ressent vis-à-vis des personnages.
Quand l’histoire n’est pas un faire valoir
Le scénario d’un JV n’est parfois qu’un prétexte pour enrober un gameplay et même pour certain RPG pour lesquels on pourrait s’attendre à ce que celui-ci soit au cœur du développement on est parfois déçu par la platitude du propos. Tel n’est pas cas dans expédition 33. TOUT absolument tout est imbriqué, jeu et scénario sont comme des danseurs de tango irrémédiablement lié dans un tourbillon qui ne s’achève qu’au clap de fin. Le propos est sombre et mélancolique et le script remarquablement cohérent dans sa folie. Les personnages sont empreints d’humanité et touchant. L’univers, comme ceux des meilleurs contes fées est à la fois merveilleux et terrifiants mais ne s‘interdit pas des moments drôles ou absurdes destinés à faire respirer les joueurs soumis à rude épreuves par cette univers ou tristesse et mort sont omniprésent.
Voilà, après une aussi longue liste de superlatifs vous avez sans doute compris que je recommande chaudement à tous gamer d’au moins essayer Expédition 33. Ce jeu s’inscrit immédiatement parmi les grands classiques, une œuvre qui va durer et enchanter les joueurs présents et futurs de par sa thématique rappelant les grandes tragédies grecques et sa réalisations unique qui supportera sans ciller les outrages du temps. Personne ne devrait se priver de ce bijou. Toutes l’équipe de Sandfall est à féliciter sans retenue et surtout Guillaume Broche le chef d’orchestre qui a su tenir la barre et s’entourer du meilleur équipage possible pour entreprendre cette fructueuse expédition, encore bravo ! Nous attendons avec jubilation ce qui viendra après…